La carte du royaume de France imprimée en 180 feuilles entre 1756 et 1815, dite « carte de Cassini », est le premier levé cartographique par triangulation de l’ensemble du territoire français à une échelle uniforme (1/86 400).
Par son procédé, son étendue, sa précision et son mode de diffusion, elle constitue une véritable innovation et s’inscrit dans l’esprit des Lumières. Sa réalisation donne aussi lieu à la première grande enquête toponymique nationale.
Le projet est initié par une dynastie de cartographes, les Cassini, dès la fin du XVIIe siècle. Encouragée par Colbert, conscient de la nécessité de disposer de cartes exactes pour aménager et administrer le territoire, l’entreprise est placée sous les auspices de l’Académie des Sciences à partir de 1700.
Le projet, d’une ampleur inégalée, peine à progresser, jusqu’à ce qu’en 1746 César-François Cassini de Thury, dit Cassini III, convainque Louis XV d’établir et de publier une « carte générale et particulière » du royaume, à échelle suffisamment grande pour y placer localités, cours d’eau, routes et chemins. Dans un règne agité par les guerres, le projet prend une dimension stratégique, quoique les militaires soient partagés sur la réalisation et la diffusion d’une carte susceptible de livrer des informations sensibles sur la défense du territoire.
La première feuille, celle de Paris, est publiée en 1756, année où le roi retire sa mission à Cassini, le contraignant à fonder une société pour financer son projet. La nationalisation de la carte au profit du Dépôt de la Guerre, en 1793, permet de la mener à son terme, en 1815.
La carte des Cassini constitue, dans l’histoire des cartes générales de la France, l’unique parenthèse civile jusqu’à la création de l’Institut géographique national, qui remplace le Service géographique de l’Armée, lui-même successeur du Dépôt de la Guerre, en 1940.