Par'chemins et châteaux
« C’est un fait tombé dans le lieu commun que la richesse des bords du Rhin en châteaux forts, en châteaux ruinés du moyen-âge. Les touristes les plus superficiels en sont frappés. Il suffit de lever les yeux pour voir en Alsace, dans le pays de Bade, dans la Bavière et la Prusse rhénane, toutes les hauteurs qui encadrent ces beaux pays couronnées de manoirs féodaux. Sur toute la lisière occidentale des deux départements du Haut et du Bas-Rhin, vous le savez, une chaîne presque ininterrompue de donjons et de murs crénelés, de tours tantôt massives, tantôt élancées, de corps de logis à moitié debout, à moitié répandus sur le sol, est suspendue sur le flanc des Vosges, au-dessus des vignobles, au-dessous des forêts, quelquefois dominant ces dernières du haut d’un promontoire de rochers, quelquefois encadrés par des arbres séculaires qui ont vieilli avec les murs. »
Louis Spach, vers 1850, AD67 - 100 J 192
En guise de commencement
Aujourd’hui encore, le Moyen Âge a mauvaise réputation : l’imaginaire collectif se le représente comme une période sombre et violente, où auraient misérablement vécu des masses de serfs opprimés par des seigneurs violents et des prêtres cupides.
Le terme « Moyen Âge » désigne par convention une période qui s’est étendue sur mille ans, du Ve au XVe siècle, et a par conséquent connu son lot d’évolutions et de changements. Au sein de ce temps long, cette exposition s’intéresse à la période comprise entre 1079 et 1250, soit à peine deux cents ans : l’Alsace est alors contrôlée par une dynastie d’origine souabe, les Hohenstaufen, qui deviennent ducs de Souabe (1079) puis d’Alsace (1105), avant d’occuper le trône impérial, sans interruption ou presque, de 1155 à 1250.
Ces deux cents ans de relative stabilité politique sont une période faste pour l’Alsace : région-clé pour les Hohenstaufen, la rive gauche du Rhin est partie intégrante de leurs ambitions européennes et l’économie y est florissante. Riche et dynamique, l’Église impulse un renouveau spirituel dont témoignent les nombreuses fondations monastiques, tout en étant à l’origine de réalisations artistiques remarquables : le chantier de la cathédrale de Strasbourg, reconstruite dans le nouveau style gothique, et la rédaction de l’Hortus deliciarum, magnifique encyclopédie enluminée, sont quasiment contemporains (fin du XIIe siècle).
Cette exposition se propose de faire revivre cette période, finalement bien éloignée des idées reçues qui ont cours sur le « Moyen Age ». Elle s’appuie pour cela sur les quelque trois cents documents d’époque que conservent les Archives d’Alsace depuis le XIXe siècle, grâce auxquels resurgissent les voix de celles et ceux qui ont vécu il y a de cela huit cents ans. Elle fait également une place de choix aux sources archéologiques et aux traces monumentales, au premier rang desquelles les châteaux alsaciens qui, construits pour l’essentiel aux XIIe et XIIIe siècles, restent indissolublement liés à l’imaginaire collectif autour du Moyen Âge.