L'abbé, l'évêque, le noble et le paysan

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Au cours des Xe et XIe siècles, l’Église, qui détient un quasi-monopole sur l’écrit, théorise l’organisation de la société : du fait de sa vocation spirituelle et de sa proximité avec le divin, le clergé, séculier et régulier, est placé en tête de l’ordre social. C’est une puissance avec laquelle il faut compter : les évêques ont un pouvoir politique important tandis qu’abbayes et églises s’enrichissent grâce aux donations des fidèles.

 

L’Église insiste également à partir du XIe siècle sur la séparation entre clercs et laïcs, pourtant loin d’être évidente : évêques, abbés et abbesses partagent avec les grandes familles nobles dont ils sont issus une culture commune…et l’on voit par exemple l’évêque de Strasbourg Berthold Ier de Teck combattre à la tête de ses troupes ! Le clergé légitime en outre le pouvoir des nobles, en mettant l’histoire de leur lignée par écrit et en perpétuant le souvenir de leurs défunts.

 

Du côté des laïcs, les puissants sont d’abord représentés par les grandes familles aristocratiques, qui se réclament d’ascendants prestigieux, cumulent les biens et exercent leur pouvoir sur des régions entières, comme les Hohenstaufen ou les Eguisheim-Dabo, comtes d’Alsace depuis le VIIIe siècle. Des familles nobles à l’ancrage plus local s’épanouissent à leur service au XIIe siècle : ils adossent leur identité sur le port des armes à cheval, et bientôt sur le château qu’ils gardent pour leurs seigneurs.

 

Le reste de la population, qui en est aussi l’immense majorité, ne fait que rarement entendre sa voix : les gens ordinaires n’apparaissent dans les documents qu’à l’occasion du recensement des redevances qu’ils doivent aux puissants, ou d’une transaction concernant la terre qu’ils cultivent. Essentiellement rurale, la population est en effet entrée, au XIe siècle, sous la dépendance des seigneurs, des puissants laïques ou ecclésiastiques qui lui imposent leur protection en échange de prélèvements sur sa production économique.